Malgré de nombreuses sources écrites, il est difficile, sur un plan architectural, d'identifier formellement des vestiges avérés de ce passé ; peu de fouilles ont été entreprises jusqu'à présent. Mais des travaux de fouilles sont en préparation avec l'Université de Montpellier.
A Lunel, la communauté juive a très rapidement prospéré aussi bien au niveau économique que démographique et a construit ses propres bâtiments, dont la "dite" synagogue qui daterait du 12ème siècle, architecture typique de la région montpelliéraine de l’époque.
Suite aux différentes persécutions dont elle faisait l’objet, notamment en Espagne sous les Almohades, (alors que sous les Almoravides, toutes les communautés y vivaient en bonne intelligence) beaucoup de juifs émigrent vers le sud de la France.
A la fin du 13ème siècle on comptait, 5000 habitants dans l’enceinte de Lunel dont 48 foyers juifs, soit environ 250 juifs à Lunel.
Certains écrits ont permis d’illustrer ce passé prospère, notamment celui de Benjamin de Tudèle intitulé le Livre des voyages.
Ce rabbin espagnol, né au milieu du 12ème siècle à Tudela (en Espagne) voyage pendant une dizaine d’années à travers le monde dans le but de rencontrer les communautés juives. Son périple débute par la traversée de la France, Narbonne, Béziers, Montpellier (qu’il qualifie de « très agréable pour le commerce »), Posquières (Vauvert) et Lunel.
C’est ici qu’il séjourne chez Juda Ibn Tibbon, grand rabbin espagnol lui aussi, né à Grenade en 1120 qui émigre à Lunel en 1150, suite aux persécutions menées par les Almohades.
Benjamin de Tudèle le mentionne comme médecin en 1160. Il enseignait à l'école juive, « Yeshiva », au sein de l'ensemble synagogal. Benjamin de Tudèle raconte dans son ouvrage que les enseignants de cette école hébergeaient et enseignaient à tous ceux qui venaient de pays très éloignés. On leur fournissait également nourriture et vêtements en échange de leur dévouement et de leur travail au sein de l’école juive.
On y lisait et commentait les textes sacrées, le Talmud, on y enseignait la médecine, la botanique, les sciences, les arts…
A cette époque, Lunel était un foyer important de réflexion intellectuelle et culturelle, le siège d’affrontements intellectuels entre le clan des orthodoxes et celui des rationalistes issus de la pensée grecque d’Aristote. De grandes controverses ont lieu au sujet du Guide des égarés (ou des perplexes) de Maïmonide.
Son fils, Samuel Ibn Tibbon, (né a Lunel vers 1160 et mort en 1230) voyage beaucoup et vit à Arles, Béziers, Marseille... il fut le plus illustre de la dynastie des Tibbonides, rabbin, médecin, traducteur ou encore philosophe.
Supérieur à son père, il traduit Maimonide (de l'arabe vers l'hébreu), rédige des livres médicaux et philosophiques, écrit la plupart du temps en arabe.
Les Juifs expulsés par le Roi de France :
Malgré sa notoriété, l’école juive de Lunel sera abandonnée suite à l’expulsion des juifs par le roi de France Philippe Le Bel en 1306. Malgré leur réhabilitation en 1315 et 1359, aucun juif ne reviendra à Lunel. Ils seront définitivement bannis du Languedoc-Roussillon en 1394 ; entre-temps certains se sont installés à Montpellier, foyer important du savoir médical, où subsistent aujourd’hui un mikvé d’époque médiévale, une maison d’études, une maison de l’aumône et une synagogue.
Nous sommes donc aux racines même de l’Europe judéo-chrétienne.
Lunel abrite en ces temps-là, une vie intellectuelle riche avec de nombreux savants, traducteurs, rabbins, médecins, philosophes...
En voici quelques-uns, connus par leurs écrits, leurs travaux, leurs traductions ou échanges épistolaires avec d'autres savants éminents qui les citent.
Jacob (nom de famille ?) et son fils : Meschulam Ben Jacob mort en 1170. Il dirige une « yéshiva » (école talmudique) à lunel ; c'est un homme riche, généreux, une autorité rabbinique reconnue dans le monde médiéval.
Il a 5 fils :
Le gendre de Meschulam Ben Jacob : Moise Ben Juda, rabbin célèbre, qui lui aussi passe toute sa vie à Lunel .
Salomon Haccohen / Samuel Hahazan / Salamié : ces 3 savants, vivent à la même époque à Lunel.
Juda Ben Saul Ibn Tibbon, mort avant 1190, vient de Grenade. On sait par Benjamin de Tudèle qu'en 1160 il est médecin et traducteur à Lunel, ami de Meschulam Ben Jacob
Son fils : Samuel Ibn Tibbon né vers 1160 à Lunel mort en 1230, voyage beaucoup ; il vit à Arles, Béziers, Marseille... Intellectuel supérieur à son père, il traduit Maimonide de l'arabe vers l'hébreu, il rédige des traités médicaux et philosophiques ; il écrit en arabe.
Zerahya Ben Isaac Hallevi, appelé Gerundi, né en Espagne, il vit quelques temps à Lunel ; c'est un disciple de Meschulam ; c'est un talmudiste, un élève de Joseph Ibn Plat
Abraham Ben David dit Rabad de Posquières (1120 Narbonne / 1197 Posquières): il vit quelques temps à Lunel car c'est un disciple de Meschulam. Il s'oppose à Maimonide dans une controverse célèbre sur le « Guide des égarés ». Il est le père de Isaac l'Aveugle (kabbaliste de renom) et grand père d'Ascher ben David.
Abraham Ben Nathan appelé aussi très certainement Hayyarhi. Né à Lunel, c'est un disciple de Rabad. On sait par des écrits qu'en 1204 et 1205 il séjourne à Tolède.
Jonathan Ben David Haccohen de Lunel. Ce talmudiste, bien que disciple de Rabad, respecte Maimonide. En 1210 il va en Palestine.
Joseph Ibn Plat, grand rabbin, savant, vit quelques temps à Lunel.
Moise Haccohen de Lunel écrit de nombreuses notes critiques.
Manoah de Lunel
Israel de Lunel, talmudiste vit dans la 1 ère moitié du 12ème siècle.
Nathan Ben Mordekhai de Lunel
Samuel ben Moise vit à la même époque que Meschulam ben Jacob, avant 1170. C'est un talmudiste, membre du collège rabbinique.
Benjamin Ben Juda et son fils Juda sont rabbins à Lunel.
Abba Mari Ben Moise Ben Joseph aussi appelé Astruc de Lunel est le petit fils de Joseph, fils de Meschulam.